PRISE DE POSITION : DPE tous les 10 ans pour une Planète toujours aussi bleue

15/02/2021

Contenir la hausse du climat promis par les calculs des experts du GIEC d’ici 2100, cela reste possible. A condition de prendre des mesures dans les 4 prochaines années, à commencer par instaurer un DPE tous les 10 ans, à l’instar du contrôle technique périodique des automobiles obligatoire tous les 2 ans.

Par Guillaume Exbrayat, président de Diagamter (Koalys).

Défi pour la société civile

Notre monde du diagnostic immobilier s’attache depuis des années à faire reconnaître l’utilité de ses services, aujourd’hui encore trop souvent perçus en banales obligations administratives.

Nos rapports, pourtant très complets, demeurent peu lus, voire peu compris. Ils aboutissent trop rarement à des prises de décision pour changer son habitat, à l’exception notable des diagnostics gaz et électricité qui, le cas échéant, déclenchent des travaux de mise en conformité.

Essentiels, ces documents impartiaux s’avèrent déterminants dans un cas connu de tous, mais pas toujours reconnu à son juste péril : la protection du climat, un défi concernant toute la société civile.

Ensemble, c’est tout !

Osons un parallèle avec la crise sanitaire actuelle. Face à la Covid, nous ne serons pas définitivement à l’abri du risque par les mesures individuelles. Seul un élan collectif nous préservera contre ce fléau invisible.

Pour la protection climat, le même engagement prévaut. Nous n’utiliserons des énergies en grande majorité renouvelables et ne vivrons dans des logements basse consommation que si nous jouerons tous le jeu. Ensemble. Les seules initiatives individuelles seront inévitablement vouées à l’échec.

Il faut d’autant plus s’unir dès maintenant que la majorité d’entre nous passe chaque année à côté d’une information simple, publiée par les Nations Unies et fruit d’un collège d’experts internationaux : les conséquences de la hausse inévitable des températures dans le moins optimiste des cas. Et son corollaire : un changement impératif doit être initié par la société civile, avec la contribution des diagnostiqueurs immobiliers.

 Cap perdu par la COP 21

Dans un relatif anonymat pour ainsi dire habituel – tout le monde en parle, mais si peu écoutent -, les experts du GIEC ont de nouveau désigné le danger : le carbone, c’est-à-dire les gaz à effets de serre. Ils constatent, chiffres à l’appui, que dans sa lutte contre cet autre fléau, la Planète Bleue, et donc la France, est déjà en retard, bien que les gouvernements essaient de faire bouger la situation face aux réticences de la population et aux lobbies du monde d’avant (celui du carbone).

Certes, en 2020, moins de carbone a été généré, en raison du coup d’arrêt porté à la croissance de l’économie mondiale dans la quasi-totalité des pays, suite aux confinements engendrés par la crise sanitaire. Mais dès cette année, nous reprendrons une trajectoire en hausse des émissions de carbone, et donc des températures.

Selon le GIEC, les 175 pays signataires de la COP 21[1] en 2015 ne tiennent en effet déjà pas leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) pour l’amélioration de l’environnement, c’est-à-dire la réduction de leur impact sur la planète selon un effort négocié et équilibré correspondant à leur économie.

Choc des mondes

Les CDN initiales devaient permettre de réduire à 1,5 degrés la hausse des températures moyennes en 2100, avec une probabilité de 66% de chances de réussir.  Si l’objectif était tenu, tempêtes, canicules et mouvements de population auraient de toute façon été à venir.

Les CDN, si elles restent inchangées, conduiront à une hausse minimale de 3 degrés, toujours avec une probabilité de 66%. Dans l’hypothèse la moins favorable, elles élèveront de 7 degrés les températures moyennes.

Fleuves asséchés et Poitou noyé

Résultat à 7 degrés : la Garonne deviendrait un oued, la Seine serait à sec chaque été, les bateaux-mouches cèderaient leur place à des bus-mouches. Par un effet de dilatation, l’eau des océans augmente en volume et le Poitou serait alors sous la mer.

Nous ne parlons plus de la triste fin des glaciers dans les Alpes, aux accents romantiques, mais d’un scénario catastrophe qui va coûter très cher à l’Humanité.

En effet, plus de 20 % de la population mondiale vit actuellement à moins de 30 kilomètres des côtes, plus de la moitié à moins de 100 kilomètres du rivage actuel et des projections démographiques prévoient 75% des Terriens à moins de 150 kilomètres de la mer d’ici 2035. De plus, les actifs des compagnies d’assurances sont souvent situés sur la façade des océans.

La montée des eaux due à la hausse brutale des températures moyennes contraindrait nos modes de vies et augmentera les polices d’assurance.

15 ans de latence… à anticiper dès maintenant !

Je le crois et l’espère, ce monde-là n’existera jamais car l’Humanité se ressaisira avant la catastrophe annoncée, comme cela a été le cas pour tous les grands périls qu’elle a rencontrés depuis 20 000 ans.

Nous devons juste intégrer le fait que le climat est dépendant d’une inertie : le carbone généré ce matin par nos véhicules mettra 12 à 15 ans à être absorbé par la planète.

Il faut donc agir avant 2035 pour que la rénovation énergétique des logements ait un impact en 2035, et donc prendre les décisions d’ici 2025 pour relever ce défi.

Le secteur du bâtiment représente 44% de l’énergie consommée en France. Ce n’est pas l’affaire du gouvernement, mais celle de chaque citoyen,

Un DPE obligatoire tous les 10 ans pour sécuriser notre avenir

En tant que citoyen, j’ai partagé, à travers la CDI FNAIM, à mes confrères un livre blanc sur le Diagnostic de Performance Énergétique.

Le DPE, outil extraordinaire et encore affiné avec la réforme le concernant, rend possible la trajectoire vers un parc de logements tous classés A ou B d’ici 2050.

Il faut savoir que le DPE, en vigueur depuis 2006, n’a été réalisé, au total en 2021, que pour seulement un quart du parc des logements 9 à 10 millions de DPE dans les bases de l’ADEME pour un parc de 36 millions de logements).

J’appelle, à titre personnel, à ce que le DPE devienne systématique à l’instar du contrôle technique périodique des automobiles, tous les 10 ans (pour les logements construits avant 2013, date entrée en vigueur de la réglementation thermique RT 2012) au lieu de 2 ans pour nos véhicules, afin de tripler le nombre de ces diagnostics immobiliers chaque année et en effectuer 3,6 millions par an.

Pas de conflit d’intérêt avec le métier de diagnostiqueur

Certains observateurs m’opposeront que mon propos est opportuniste.

Je l’assume pleinement : il faut défendre l’économie verte pour ne pas risquer de détruire ce patrimoine immense qu’est la Terre. Dans l’expression « Green Économie », le terme « Économie » n’est pas une insulte.

Ce DPE décennal créerait, de plus, 2 000 emplois, soient 20% de plus pour la profession de diagnostiqueur immobilier. Il permettrait, grâce à la labellisation de tous les logements, une politique publique basée sur l’empreinte carbone.

Actuellement, et pas avant une dizaine d’années si nous commencions en 2023, l’État ne dispose pas de la note énergie du parc. Comment alors piloter une fiscalité carbone ? Comment amener tous les propriétaires à se questionner sur leurs consommation d’énergie et empreinte carbone ? Comment récompenser la basse consommation ?

Ce qui est possible pour la carte grise du parc automobile grâce aux chevaux fiscaux est impossible sur le logement tant que nous ne disposons pas des notes DPE.

Depuis 15 ans, les DPE réalisés sur les seules ventes ou locations n’amènent aucune convergence avec le parc de logements. Il faut donc changer de paradigme et passer au DPE obligatoire, comme c’est aujourd’hui le cas pour le contrôle technique périodique des 43 millions d’automobile en France.

S’agissant des logements en copropriété, j’ai bon espoir que le gouvernement prenne une décision en sens dans la future loi suite à la Convention Citoyenne. Mais quid de tous les logements individuels ?

Diagnostiqueur sans conflit d’intérêt

Enfin, ce DPE décennal déclenchera beaucoup plus de rénovation énergétique dans l’habitat individuel, pour une raison très simple : le diagnostiqueur est indépendant, il ne peut avoir partie liée ni avec le propriétaire, ni avec des entreprises de travaux, ni avec le fournisseur d’énergie. Il est donc réglementairement sans conflit d’intérêt, ce qui confère à nos recommandations une grande valeur pour le particulier.

De manière humoristique, j’avais proposé une campagne de communication sur le thème « offrir un DPE à Noël ». Quel plus beau cadeau ferions-nous à travers le DPE à nos enfants qu’un futur assuré sur notre belle Planète Bleue ?

Guillaume EXBRAYAT, président de Diagamter (Koalys)

 

 

 [1]Conférence des parties (COP) à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992

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