J-C. Protais (pdt SIDIANE) : « Tous les patrons, membres de SIDIANE, veulent « mouiller leur chemise », ce qui est fondamental pour la réussite de ce syndicat »

22/03/2022

Ancien dirigeant dans de grandes entreprises, comme Qualiconsult, Apave ou encore une filiale du groupe Engie, Jean-Christophe Protais est devenu président du Syndicat Interprofessionnel du Diagnostic Immobilier, de l’Analyse et de la Numérisation de l’Existant (SIDIANE), une structure non commerciale (1).

Jean-Christophe Protais nous livre ses premiers ressentis sur cette nouvelle institution, dans laquelle il veut retrouver la dynamique et l’efficacité connue dans le domaine du Testing Inspection Certification (où il a opéré durant 20 ans), nous rappelle la vocation des 5 piliers ou axes stratégiques définis par SIDIANE et que des places sont à prendre au sein de l’organisation par les petits acteurs, et nous parle du triste remake de la réforme DPE pour l’instant envisagé pour l’instauration de l’audit énergétique.

Comment vivez-vous votre prise de fonction chez SIDIANE ?

J-C. Protais : J’ai évolué durant 20 ans dans le métier du réglementaire et des normes, dans le domaine du Testing Inspection Certification, des prestations de services parmi lesquelles figure le diagnostic immobilier.

Cette belle expérience me donne une vision plus large de la manière d’encadrer et de réaliser ces métiers. Un exemple : le contrôle d’installations en service, comme l‘électricité ou le levage, nécessite d’établir un état de conformité par rapport à des normes. Il répond à la même logique que le diagnostic immobilier, mais avec un encadrement réglementaire et des modes opératoires différents. Des passerelles entre ces métiers sont parfaitement imaginables.

Par mon parcours, je connaissais presque tous les membres fondateurs de SIDIANE, de vrais entrepreneurs pilotant directement des sociétés à taille humaine, en contact permanent avec leur business. Ils possèdent une vision commune de leur métier qui reste une vraie pépite, à la fois sur ses missions traditionnelles et sur celles nouvelles, et qu’ils veulent faire bouger. Jusque-là, ils s’étaient retrouvés dans des fédérations… où ils ne s’y retrouvaient pas !

Dans leur recherche d’un travail en commun, compact et efficace, il désirait à leur tête un indépendant, qui n’était pas un patron en activité dans leur domaine.

Quels sont vos premiers ressentis, retours d’expérience sur les projets, les ambitions de SIDIANE ?

J-C. Protais : Mes premiers retours sont positifs : tous les patrons, membres de SIDIANE, veulent « mouiller leur chemise », ce qui est fondamental pour la réussite de ce syndicat.

J’ai beaucoup travaillé dans des fédérations dans le domaine du Testing Inspection Certification, dans lesquelles les cadres dirigeants étaient très impliqués. En effet, chacun d’entre eux était responsable sur un domaine de compétences, l’équivalent d’un des 5 piliers ou commissions pour SIDIANE (2), et s’appuyait sur un pôle d’experts. Cela nécessitait un réel investissement personnel, et donc du temps, pour créer une feuille de route, animer son sujet, le restituer à l’ensemble de la fédération, solliciter le bureau pour des décisions importantes…

Cette organisation avait permis de faire aboutir un combat tel que la compatibilité de certaines missions avec l’agrément de contrôle technique.

Quels sont les 5 piliers ou axes stratégiques, premiers projets prévus par SIDIANE ?

J-C. Protais : Le premier pilier, converti en commission, est la rénovation énergétique, afin de décliner la loi climat et résilience, très conséquente en termes d’actions à entreprendre sur le volet immobilier.

Le second est de passer d’un diagnostic immobilier seulement obligatoire à la vente et à la location d’un bien, à un contrôle technique réglementaire tous les 10 ans, à l’image de ce qui a été opéré dans l’automobile il y a trente ans pour sécuriser le conducteur, ses passagers et tout l’environnement extérieur. Cette initiative permettrait une vision claire et objective des risques encourus dans un bien immobilier, et de réaliser une cartographie du bâti en France pour un coût à chaque fois modique, toujours à la charge du propriétaire.

Le troisième pilier, transverse, est de constituer un observatoire de la donnée, grâce à des diagnostiqueurs immobiliers qui collectent un nombre impressionnant d’informations chaque jour. Cet effort aurait ainsi aujourd’hui un impact significatif sur l’utilisation du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE). D’après les chiffres en notre possession, ce ne sont pas 5 millions, mais 8 millions de « passoires énergétiques » qui seraient classées F et G. On quantifierait ainsi mieux les besoins en investissements dans la rénovation. Le travail des diagnostiqueurs immobiliers est considéré comme une sanction, alors qu’il n’est qu’anticipation.

Le quatrième pilier concerne le métier et la filière : nous avons d’énormes besoins en recrutement, avec une demande 2 à 3 fois plus importante que l’offre. Il est nécessaire d’imaginer et de promouvoir de nouvelles filières de formation en étroite collaboration avec les institutionnelles. Il existe une reconnaissance extérieure pour chaque diagnostiqueur basée sur la qualification de personne qui est garante de la qualité. Ce modèle est parfaitement adapté pour les indépendants.

Il nous faut créer un nouveau modèle plus adapté à des structures plus importantes. Une accréditation de type COFRAC, c’est-à-dire un système de reconnaissance interne soumis au contrôle d’un organisme extérieur, s’avérerait moins contraignant et plus sécuritaire.

Enfin, le cinquième et dernier pilier est tourné vers l’international. Les normes européennes sont transcrites de façon différente selon les pays, et la France a, certes, à apprendre d’autres nations, mais, de par son expérience sur le sujet, a aussi beaucoup à leur apporter.

SIDIANE affirme vouloir défendre les intérêts de tous les modèles économiques. Quel regard portez-vous sur le modèle de la franchise ? Avez-vous le sentiment que tous ces modèles permettront à SIDIANE de garder sa liberté de parole, de pouvoir agir et se positionner en toute indépendance ?

J-C. Protais : On observe 5 types d’acteurs dans le monde du diagnostic : les indépendants, les entreprises de taille intermédiaire avec un rayonnement généralement régional, les « pure player » structures de taille significatives avec une couverture nationale, les bureaux de contrôles - dont une partie des prestations concerne le diagnostic immobilier -, et les réseaux de franchisés, qui sont des indépendants gardant leur réactivité et bénéficiant d’une tête de réseau.

Tous possèdent des problématiques communes - recrutement, reconnaissance extérieure, qualification, usage de la data –, reprises par SIDIANE, à l’exception peut-être du modèle européen pour le diagnostic immobilier qui concerne plus particulièrement les grosses structures.

J’ai toujours travaillé pour des entités avec des réseaux propriétaires, succursalistes, dont les multiples fonctions supports étaient permises grâce à leur taille critique. Le modèle de la franchise est intéressant pour l’indépendant, car il lui apporte tout ce dont il a besoin. Il lui permet de gagner du temps et de garantir une meilleure qualité de leurs prestations, grâce aux mêmes supports que les succursales : outils, communication, etc.

Tous les modèles économiques ont leur place à prendre au sein de SIDIANE, aussi bien les gros acteurs que les petits. Ils garderont dans notre organisation leur liberté de parole et leur capacité à agir dans la mesure où il n’existe pas de conflits d’intérêts. Seules des approches différentes demeurent pour la reconnaissance extérieure et la qualification d’entreprise. Les indépendants sont donc les bienvenus dans notre organisation.

En revanche, SIDIANE tient à maintenir un conseil d’administration compact, seul garant de son efficacité.

Le calendrier de l’Audit Énergétique ressemble de plus en plus à celui du DPE au 1er semestre 2021, avec un retard dans la publication des textes réglementaires et des décrets, et déjà des questionnements sur le temps disponible pour se former, acquérir les qualifications, disposer des ressources et logiciels nécessaires... Ce qui doit entrer en vigueur au 1er septembre doit être prêt au 15 juillet, car il est inenvisageable de demander aux diagnostiqueurs immobiliers de passer un nouvel été infernal.

Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que cette nouvelle réglementation s’inscrive bien et que la profession soit prête ?

J-C. Protais : Nous sommes seulement en train de sortir de la bataille du DPE, avec des stigmates encore visibles. Malheureusement, nous reproduisons exactement avec l’audit énergétique ce qui s’est passé pour le DPE.

SIDIANE a écrit récemment un courrier à l’administration, argumenté mais direct, précisant que le planning était irréaliste et intenable (3). Nous préconisons de décaler le planning de 4 mois, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2023 pour l’audit énergétique.

Nous estimons qu’il est urgent d’agir, et dans l’ordre. La publication des décrets est prévue pour fin mars, alors que dans le même temps les contenus des formations, la première maquette d’un rapport et les versions bêta d’un logiciel de traitement de l’audit énergétique doivent être finalisés fin mai. Comment finaliser cet outil si on ne sait pas ce que l’on doit produire, ou encore former des personnes sur un produit qu’on ne sait pas comment devoir le réaliser ? Mieux vaut perdre 4 mois d’emblée pour, par la suite, gagner 2 à 3 ans dans le déploiement de l’audit énergétique.

 

Bon à savoir

Courrier adressé à Emmanuelle Wargon, ministre chargée du Logement

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  • (1) Lancé en décembre dernier, SIDIANE regroupe 7 acteurs majeurs du diagnostic immobilier, du bâtiment et des travaux publics (dont Diagamter et Aléa Contrôles). Cette organisation professionnelle représentative, engagée, responsable et ouverte s’est donnée pour vocation de structurer, de représenter et de défendre la filière dans sa diversité et de mieux répondre collectivement aux exigences de la transition énergétique, de la lutte contre les pollutions dans les logements, les bâtiments industriels et tertiaires, les établissements recevant du public ainsi que la protection de la santé des personnes au travail ou dans leur vie quotidienne.
  • (2) Carte vitale du bâtiment, évolution du diagnostic immobilier à un contrôle technique obligatoire tous les 10 ans, digitalisation des données au sein d’une plate-forme publique, création d’un véritable cursus universitaire, participation à l’élaboration de directives européennes… SIDIANE s’est donné 5 piliers ou axes stratégiques sur lesquels travailler à travers 5 commissions.
  • (3) Dans un courrier adressé à Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au logement, SIDIANE suggère un calendrier alternatif déjà très ambitieux, pour la mise en œuvre de l’audit énergétique conduisant à un report au 1er janvier 2023.
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